Dans un couple, il y en a toujours un qui s’investit davantage dans les tâches domestiques ou qui gagne plus d’argent que l’autre. Au grand dam des défenseurs d’un partage absolu. Qu’importe, estime la psychothérapeute Martine Teillac. Plutôt que de faire des comptes d’apothicaires, un couple a bien plus intérêt à faire équipe. Pour les petites corvées comme les grandes épreuves.
Une poubelle non descendue, des miettes tombées par terre, des assiettes qui n’atteindront jamais le lave-vaisselle… Qui n’a jamais éprouvé ce sentiment d’injustice, de rancœur, à l’idée d’être celui ou celle « qui fait tout dans la maison ? ». Au point que le partage des tâches domestiques constitue, avec celui de l'argent, l'une des premières causes de conflits au sein des couples. En cause : leur répétivité. « C’est ce qui les rend toxiques », avance Martine Teillac, psychothérapeute. Ajouté au fait que cette non-entraide que l’on déplore souvent parle en fait… de notre couple. « Elle en dit long sur le désir de chacun d’instaurer, ou pas, une relation d’égalité. Sur la répétition, lassante ; sur une dévalorisation, latente… Sur tout ce que l’on met de côté et qui pourrit. Les poubelles, ce sont les déchets du couple. »
Reconnaître ce que fait l’autre
Premier sujet de dispute : la répartition des tâches. Des travaux ménagers - la tenue de la maison, les courses, la vaisselle -, parentaux - la toilette, les repas, les devoirs -, administratifs et financiers, sans oublier le bricolage ou encore le jardinage. A chaque couple, sa manière de fonctionner : chacun son activité, chacun son tour… Mais même chez les défenseurs de l’égalité au sein du couple, les disputes ne manquent généralement pas d’éclater. « Beaucoup de couples, surtout les jeunes, sont dans une mentalité de petits fonctionnaires, estime Martine Teillac. Ils finissent par tenir une sorte de livre comptable. C’est anti-poétique et désolant. C’est une attitude revendicative, du même ordre de celle que l’on avait envers ses parents étant enfant, mais qui ne doit pas s’adresser à son conjoint. » Mais combien sommes-nous à trouver que notre bien-aimé(e) n’en fait vraiment pas assez ? Parfois à tort, d’ailleurs. « Au lieu de regarder ce qui manque, commençons par regarder ce qui est donné. Par prendre en compte que l’autre fait quand même des choses pour nous, même s’il n’est pas toujours dans une parfaite disposition pour cela ».
Partager, selon les sensibilités
L’idée d’un partage absolu est d’ailleurs à oublier, selon Martine Teillac. « C’est une vision un peu immature de ce qu’est une relation d’égalité. C’est avoir oublié le domaine du partage. On partage en tenant compte des capacités et des sensibilités de chacun. Quand on a la sagesse d’en tenir compte, il n’y a pas de rapport mathématiquement exact. » Et la surprise peut être au rendez-vous. Vous détestez repasser ? Et si ce n’était pas le cas de votre compagnon qui lui, peste en descendant les poubelles alors que vous, cela ne vous pose aucun problème ? L’écueil de toute répartition des tâches : la rigidité. Faut-il alors abandonner la liste que nous sommes nombreux à établir ? « Non, si elle est ouverte. Il est déréaliste d’envisager une liste de "to do" qui serait figée, définitive, abstraite. Par contre, qu’une femme s’attende à ce que son mari lui ait préparé à dîner lorsqu’elle rentre tard, ça, c’est réaliste. Et c’est aussi aimant. Là, nous ne sommes plus dans le registre comptable. L’homme témoigne à sa femme qu’il prend en compte sa fatigue. On devrait se polariser sur ces attentions et manifestations d’amour ».
Laisser faire l’autre
Mais la répartition des tâches n’est pas la seule chose à poser problème. Car nous avons tous notre propre conception de l’ordre, de la propreté, de la façon de préparer un repas… De la gestion domestique en somme. Que de tensions en perspective ! Qui n’a jamais senti un regard inquisiteur se poser sur soi alors qu’il/elle cuisinait ou passait simplement le balai ? « La règle, c’est que celui qui fait est le maître du jeu. C’est une question de respect. De toute façon, il ne faut jamais s’attendre à ce que l’autre procède de la même façon que nous. Ces différences, elles peuvent froisser mais elles enrichissent le couple. » Et qu’il serait bon de s’en rappeler avant de repasser derrière son partenaire ! « C’est terriblement infantilisant et détestable dans une relation d’égalité. C’est dire à l’autre : ‘tu n’es pas capable de faire cela tout seul, je viens contrôler’. » La façon de ranger, de repasser ou de nettoyer de votre conjoint ne vous convient pas ? Sortez de la pièce. Occupez-vous ailleurs. « On est si souvent l’artisan de son propre malheur », ajoute Martine Teillac.
Le degré du vivable
Si l’exigence est incontestablement une qualité, attention à ce qu’elle ne rende pas la vie infernale. « Dans le foyer, ce qui compte, c’est le degré du vivable. Si son ou sa partenaire a un très haut degré d’exigence, il faut lui faire comprendre que celui-ci ne concerne que lui. Qu’il n’a pas à imposer cette dictature de l’ordre. On ne peut pas changer l’autre. Il faut tolérer qu’il ne soit pas aussi performant et perfectionniste que soi. Et comprendre que l’on n’a pas le droit de le faire souffrir parce que les franges du tapis ne sont pas brossées comme on aimerait. » Que l’on soit un brin maniaque ou à tendance légèrement désordonné, n’oublions pas de respecter l’autre et surtout, de ne pas lui imposer nos petits travers. Et pourquoi ne pas se réserver, chacun, un espace dédié : une armoire, un bureau, voire si possible, une pièce, qui resteront pas assez ou trop rangés… selon les goûts ?
Dédramatiser
Avant de critiquer l’autre, si nous commencions par reconnaître nos propres défauts ? ‘Je remets tout à plus tard, je veux imposer mon modèle, je n’aime pas ranger les papiers administratifs’… « Il faut avoir conscience de ses limites, de ses failles, de ses manquements. De ce qu’il y a de profondément humain en nous. On ne peut d’ailleurs s’améliorer que si l’on accepte ce qu’il y a de perfectible en nous ». Et notre conjoint est l’une des meilleures personnes pour nous y aider. A condition de partager nos compétences. « C’est ça, la solidarité au sein du couple. Il faut savoir faire preuve de modestie. Aucun des deux n’est Dieu. » Stop aux critiques, laissons à l’autre le droit à l’erreur, encourageons-le, et remercions-le même !
Et gardons en tête que les tâches ménagères ne sont… que des tâches ménagères. « N’oublions pas de prendre en compte tout ce que l’autre nous apporte par ailleurs. Il ne faut pas le réduire à une fonction domestique. La dictature des objets est néfaste. Ce n’est que du matériel. Ce n’est pas là-dessus que repose l’essentiel de la relation. » Et quoi de mieux pour prendre du recul que d’inviter la gaieté et l’humour dans la gestion des tâches domestiques ?
Quand on aime, on ne compte pas ?
Parmi elles, il y a bien sûr les tâches financières : payer les factures, le loyer, épargner… Se pose alors l’épineuse question du partage de l’argent. Un autre motif de discorde récurrent au sein des couples. « Là encore, il ne s’agit pas que d’argent, analyse Martine Teillac. Il s’agit de la valeur que chacun s’attribue et qu’il attribue à l’autre. » Et les problèmes commencent généralement quand l’un des membres du couple gagne plus d’argent que l’autre. « Celui qui a le plus gros salaire peut penser qu’il a plus de valeur. Et le faire sentir à l’autre. » Une situation souvent dévalorisante que connaissent, notamment, bien des femmes au foyer. « Une chose que l’on ne doit jamais faire, c’est mendier. Sinon, on retrouve dans la position d’un enfant et l’on donne raison à l’autre de se trouver plus de valeur. » Une solution consiste, par exemple, à demander à son conjoint de pouvoir disposer d’un budget mensuel.
L’indispensable compte conjoint
Mais pour Martine Teillac, bon nombre des disputes liées aux questions d’argent pourraient être évitées grâce à un simple compte commun. « Il va de pair avec un partage de la vie commune. Et dépasse la simplicité au niveau comptable. C’est le signe que l’on se fait réciproquement confiance. Dans une réelle relation de couple, on ne compte pas. On met le maximum de moyens à disposition du couple pour le faire vivre ». Ce qui n’empêche pas chacun de garder son compte personnel. Au contraire. Comment faire une surprise à l’autre sinon ? D’ailleurs, quel plaisir de s’inviter mutuellement ! « Compte personnel et compte joint vont de soi. Et un bon compte commun, c’est un compte où chacun met au pro rata de ce qu’il gagne et où celui gagne le moins ne se sent ni dévalorisé ni dans une relation de dépendance ».
Plus forts à deuxTemps partiels, cessation d’activité, chômage, création d’entreprise… En ces temps difficiles, nombreux sont les couples à devoir faire face au manque d’argent. Et quand la moindre dépense pose problème, difficile d’éviter les tensions. Les solutions, c’est bien sûr ensemble qu’il faut les chercher, « en s’interdisant de penser que ce qui arrive, c’est de la faute de l’autre ». « On va d’autant mieux y arriver que celui qui ne rapporte plus d’argent ne sera pas stigmatisé, dévalorisé et va sentir une confiance intacte en sa valeur. Il sera d’ailleurs boosté par le fait qu’elle ne tienne pas au salaire qu’il rapportait. » Notamment dans les périodes difficiles, un couple est avant tout une équipe. Qui se soutient, s’encourage, se réconforte… « A deux, on est beaucoup plus forts, plus intelligents, pour affronter les difficultés du monde extérieur. Il faut se rappeler que son partenaire, on ne l’a pas choisi par hasard… »
Source : psychologies.com
1 commentaire:
C'est exactement la façon dont je fonctionne dans mon couple, et nous vivons maintenant 5 ans de pur bonheur, avec au maximum 1 à 2 disputes par année!
Plus on valorise l'autre, plus il nous valorisera en retour. Et plus le couple foncera vers des objectifs communs. Je dis souvent à mon conjoint: "j'arrose ta plante, tu arroses la mienne, et ensemble on fleurit".
Très bon article!
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