Depuis deux ans, Ted Williams assure à nombre d’automobilistes qu’il a un don de Dieu. Une voix en or. Beaucoup des gens qui ont croisé sa route ont passé leur chemin, ne voyant en lui qu’un vagabond de plus faisant la manche, pancarte à la main, à un feu rouge. Pour d’autres, Ted, 53 ans, manteau militaire, cheveux hirsutes et mine usée, était la «cloche» du quartier, un sans domicile fixe sympathique et poli, au passé sombre et à la voix éclatante. Car cet homme invisible à la société, possède en effet la voix parfaite des animateurs américains de radio, des «speakers» de stade et autres annonceurs. Un son clinquant qui contraste avec le délabrement de sa vie. Doral Chenoweth, lui, le savait. Ce journaliste reporter d’images au «Dispatch» de Colombus, capitale de l’Ohio, passe régulièrement sur cette bretelle d’autoroute où Ted tente de se faire remarquer, ou de glaner quelques dollars en échange d’une ou deux annonces. Et récemment, en bon journaliste, Doral a décidé d’arrêter son véhicule pour aller à la rencontre de cet homme de et de son histoire. Une histoire qu’il a chamboulée.
Le journaliste a posté lundi sur YouTube une petite interview vidéo de Ted, dans laquelle le SDF assène quelques annonces de sa voix, avant de raconter sa vie. Ce jeudi, la vidéo a déjà été vue près de 12 millions de fois. L’histoire, tragique et banale de Ted et son «don», ont frappé sec la corde sensible de l’Amérique. Né à Brooklyn, New York, Ted a été très tôt fasciné par l’univers de la radio après avoir entendu un animateur local. «La radio est un théâtre de l’esprit», lui a confié son héros pour qu’il saisisse les milliers de choses que l’on peut faire passer à travers la voix. Il a alors tiré sur ses cordes, il est allé à l’école, il est devenu animateur… «Et puis la drogue, l’alcool, et quelques autres petites choses ont fait partie de ma vie», confie-t-il pudiquement à la caméra. Itinéraire broyé d’un enfant gâté par la nature, doté d’une «voix» toute tracée, et déviée par ses errements adultes. «Je suis net depuis deux ans maintenant et j’essaie vraiment de repartir», dit-il plus franchement. «J’ai l’espoir que quelqu’un d’une télé ou d’une radio me dise, ‘hey j’ai besoin d’une voix’…». Avant de repartir, enjouée, dans une annonce de sa voix épaisse et lisse, il pousse un léger soupire qui trahit une espérance mal assurée.
Un travail et une maison
Et pourtant son souhait a été exaucé. Propulsé «buzz» de la semaine, Ted arpente depuis hier, les plateaux de télé, pour expliquer encore et encore son histoire et remercier Dieu (encore et encore). «Quelqu'un m'a même comparé à Susan Boyle», s’est-il même amusé. Rhabillé, recoiffé, il est tour à tour au bord des larmes et surexcité de joie et joue de sa voix dès qu’il le peut. Au point qu’on peut sérieusement s’inquiéter des conséquences que pourrait avoir un tel choc médiatique pour quelqu’un qui était encore extrêmement isolé il y a deux jours. Pour le moment, le succès de la vidéo sur YouTube, sa médiatisation, son «buzz», sont le fruit d’efforts qui ont fini par payer. Le SDF s’est en effet vu proposer par l’équipe de basket de Cleveland, les Cavaliers, de devenir la voix officielle de leur stade, la Quicken Loans Arena. En plus de ce travail à plein temps, la direction des «Cavs» lui a également offert une maison. Des chaines de télévisions lui auraient également proposé d’annoncer certains de ses shows. Invité à New York du «Today show» sur NBC news, il a expliqué qu’il filerait en studio après son interview pour enregistrer une publicité pour une célèbre marque de macaronis au fromage.
Ted s’est également penché longuement sur l’emploi du temps extrêmement chargé de ces dernières 48 heures, les démarches dans les foyers d’accueil pour retrouver une identité officielle et légale, les interviews, et les offres d’emplois. Il a évoqué les détails de sa chute, après avoir connu une carrière prometteuse à la radio à la fin des années 1980. Devenu une petite célébrité locale, Ted, souffrant déjà d’un gros problème avec l’alcool, s’est mis à sniffer de la cocaïne, puis à fumer du crack. L’enfer de la nuit. Jusqu'à toucher le fond, en 1993, lorsqu’il s’est retrouvé à la rue. Il a également parlé de ses problèmes avec la justice, détaillés par le «Colombus Dispatch». Trois mois pour vol dans les années 1990, deux mois en 2004. Il a été arrêté au moins une douzaine de fois pour des affaires de drogues. Malgré la drogue, Ted avait réussi à retrouver du travail dans une radio, avant d’être licencié en 1997 pour des raisons économiques. L’année suivante, son addiction au crack avait eu raison de son mariage.
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